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15 septembre 2012

Ces Sourds qui ne veulent pas entendre Publié le

Ces Sourds qui ne veulent pas entendre

Le combat des Sourds pour leur langue, leur culture et l’accès à l’éducation n’est pas gagné d’avance. Sous la pression de la norme sociale et d’un corps médical qui s’obstine à les considérer comme des handicapés, ils ont trouvé dans un Festival de Douarnenez consacré aux minorités un formidable lieu de rencontre et d’expression.
Ces Sourds qui ne veulent pas entendre
est le titre judicieux d’un film projeté en avant-première au Festival de cinéma de Douarnenez. Parmi les gens très investis dans ce documentaire, on trouve Annaig Le Naou, interprète en langue des signes (LSF). Originaire du centre Bretagne (Peumerit-Quintin), Annaig est celle qui a donné envie au festival, il y a quatre ans, d’inviter les Sourds. Une initiative qui provoque aujourd’hui un engouement extraordinaire. Au point que les 19 interprètes en LSF travaillant sur la Bretagne ont décidé cette année de participer bénévolement au festival, permettant ainsi aux Sourds d’accéder à un type d’information inhabituel, notamment politique. Le film pose la question essentielle de l’implant cochléaire. Cette technologie, implantée trois jours après la naissance d’un enfant déficient auditif permet soi disant de « guérir » la surdité. Pourtant, nombre de Sourds ne l’entendent pas de cette oreille (Ah ! Ah ! Ah !). Ces Sourds rappellent que l’implant coûte 40 000 euros par enfant, pour un résultat satisfaisant en apparence pour les entendants, mais qui constitue en fait une privation d’identité, et provoque par la suite de nombreux pétages de plombs. Ils accusent le milieu médical d’acharnement et d’ignorance. Les implantés seraient donc privés de l’accès et de la transmission d’une culture authentique, venant de la nuit des temps, basée sur le langage du corps. Leur langue ayant été interdite pendant une centaine d’années, les Sourds font souvent la comparaison avec le statut des langues minorisées en France – comme le breton.

Ces questions sont revenues sur le tapis lors du débat du vendredi 24 août, au Festival de Douarnenez, intitulé « Sourds et malentendants, de l’accès à l’éducation, le droit d’une langue ». Les intervenants, tous Sourds, n’ont eu de cesse de défendre leur combat pour l’éducation des enfants sourds, qu’elle soit bilingue (LSF-français), ou en immersion (comme dans les écoles Diwan). Ils sont jeunes. Ils sont beaux. Leur langue est une chorégraphie. Ils sont professeur de LSF, professeur d’histoire et géo, chercheur, parent, écrivain. Marie-Thérèse L’Huillier, chercheur au CNRS, a rappelé que les Sourds avaient connu un âge d’or, au début du XIXème siècle, avec l’émergence de quantité de créateurs. Puis ce fut l’oppression, l’interdiction de signer, les mains attachées dans le dos pour les enfants, le limogeage des enseignants, l’oralisation forcée. « Or, l’oralisation ne marche pas. Elle n’ouvre pas sur le monde et elle coupe la transmission de la langue maternelle. L’enfant a besoin d’une référence, de quelqu’un qui s’exprime de façon fluide dans sa langue, sinon, il aura du mal à trouver son identité, à s’intégrer, et sera en difficulté pour l’apprentissage, la lecture et l’écriture. » L’éclaircie est venue des Etats-Unis après 1968, la langue des signes obtenant dans ce pays une véritable reconnaissance. En France, il faut attendre 1980 pour voir la naissance de l’association 2LPE (deux langues pour une éducation), afin de susciter le développement d’une éducation bilingue.
Depuis 2005, sous la pression des parents d’enfants sourds, l’égalité dans l’accès à l’éducation pour les Sourds a été officiellement décrétée, donnant une place à la langue des signes, mais sans pour autant contester l’implant cochléaire, ni la LPC (langue parlée complétée), une technique barbare alliant sons et code visuel. Aujourd’hui, privés de leur culture, 95 % des Sourds sont illettrés. La loi de 2005 a eu pour résultat de stimuler l’apprentissage de la LSF par les entendants, avec un effet pervers : les Sourds ayant plus de difficultés à accéder au Master 2 du fait de la discrimination dont ils sont victimes, ce sont surtout des entendants qui occupent les postes de professeur en LSF. L’éducation bilingue rencontre beaucoup de difficultés pour se mettre en place. A Brest, lors d’une réunion regroupant parents, professeurs, inspecteur d’académie, écoles Diwan et Sourds spécialistes de la question, les parents d’enfants sourds se sont fait insulter par les représentants de l’administration qui ne veulent pas comprendre ces revendications des Sourds pour faire admettre leur différence. Comme l’a rappelé cette mère d’enfant sourd, parent d’élève Diwan, aux parents de Brest un peu découragés : « Nous avons appris, dans notre combat pour la langue bretonne qu’il ne fallait rien attendre de l’Education nationale et de l’Etat français. Il faut se battre, sans relâche, pour conquérir nos droits légitimes. »

Gérard Alle

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